Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


perdre mon sang. Mais l’idée horrible de cesser de vivre sans être justifiée de mon amant, me déchirait avec tant de violence que je ne pus jamais me résoudre à ce parti ; un peu de calme ramène l’espoir… l’espoir, ce sentiment consolateur qui naît toujours au milieu des peines, présent divin que la nature nous fait pour les balancer ou les adoucir… Non, me dis-je, je ne mourrai pas sans le voir, ce n’est qu’à cela que je dois travailler, je ne dois m’occuper que de cela ; s’il persiste à me croire coupable, il sera temps de mourir alors et je le ferai du moins sans regret, puisqu’il est impossible que la vie puisse avoir de charme pour moi quand j’aurai perdu son amour.

Ce parti pris, je me résolus de ne négliger aucun des moyens qui pourraient m’arracher de cette odieuse demeure. Il y avait quatre jours que j’étais consolée de cette pensée, quand mes deux geôlières reparurent pour renouveler mes provisions et me faire perdre en même temps le peu de forces qu’elles me donnaient ; elles me saignèrent encore des deux bras, et me laissèrent au lit sans mouvement ; le huitième jour elles reparurent, et comme je me jetais à leurs pieds pour leur demander grâce, elles ne me saignèrent que d’un bras. Enfin deux mois se