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ISABELLE DE BAVIÈRE


avez, comme ces gens-ci, l’adresse et l’audace nécessaires pour les détourner en votre faveur. On ne réussit près d’un prince jeune, sans expérience, et conduit par d’adroits intrigants, qu’en le devenant autant qu’eux : si vous ne les imitez ils vous craindront, et de ce moment ils vous perdront : vous les enchaînez en leur ressemblant. Il serait mal, je le sais, de se frayer soi-même la route ; mais quand elle est ouverte, il y aurait du danger à ne la pas suivre.

— Beau Sire, répondit la reine, vous me guiderez ; j’ai du courage auprès de vous. Je sens bien que les actions, dont vous palliez le mal à mes yeux, m’alarmeront peut-être quelque fois ; mais ainsi que vous me le faites très bien observer, il est des circonstances où il vaut bien mieux être sacrificateur que victime ; et si ma conscience me tourmente, mon cœur en me rappelant que c’est pour vous que j’agis, calmera bientôt mes alarmes. »

Combien est dangereuse la délicatesse qui sait ainsi colorer le crime !

« Le roi, poursuivit Isabelle, est le meilleur homme du monde, je l’estime et le révère ; mais sa tête est bien faible, et je sens dans la mienne une énergie qui s’arrangerait mal avec la débilité de la sienne.

« Je ne suis pas venue dans cette cour pour