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ISABELLE DE BAVIÈRE

Henri V comprit ce langage ; il loua la princesse dont on lui envoyait le portrait. L’amour opposa ses flèches aux lances du dieu Mars, et le héros ne triompha plus que pour déposer aux pieds de sa maîtresse des lauriers enlacés de myrtes.

La bravoure des Rouennais vint pourtant retarder un peu ses desseins. Il était loin de s’attendre à une aussi longue résistance : elle fut telle que jamais il ne l’eût vaincue, sans la trahison de Gui Boutellier absolument vendu au duc de Bourgogne. Un nouveau malheur, en ébranlant le courage de ces braves citoyens, vint encore favoriser les ambitieux projets d’Henri. La famine, en frappant cette malheureuse ville de toutes ses horreurs, contraignit la garnison à se débarrasser de tous ceux qui consommaient sans être d’aucune utilité. De ce nombre furent les femmes, les vieillards et les enfants qui, repoussés dès qu’ils approchèrent du camp anglais, se jetèrent dans les fossés de la ville, où les assiégés qui craignaient leur rentrée les laissèrent périr, non seulement sans secours, mais même en faisant feu sur ceux que la faim contraignait à tout braver pour apaiser cet impérieux besoin de la nature.

Voilà les horreurs dont étaient journellement cause et la méchanceté d’une femme, et l’infernale politique d’un scélérat.