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ISABELLE DE BAVIÈRE


a nécessairement, ou les vertus ou les vices de son siècle, et c’est alors la propre histoire de son cœur qu’il nous donne à la place de celle de ses héros ; il a dépeint ceux-ci ou comme il voudrait qu’ils fussent, ou comme il craint qu’ils ne soient, et voilà la partialité nécessairement établie. Tout ce qui est écrit à une plus grande distance a plus de crédit et de certitude : refroidis par la glace des siècles, les faits acquièrent alors cette maturité, cette sagesse qui n’est que le fruit du vieil âge : voyons-nous aujourd’hui les turpitudes, les crimes et des Tibère et des Néron du même œil que nous les ont transmis ceux que des motifs particuliers obligeaient à leur prêter les teintes les plus noires ? Tacite devant son élévation à Vespasien était bien sûr de le flatter en mettant ses vertus en opposition avec les atrocités de ceux qui venaient de régner ; ne semblait-il pas dire, à son protecteur : voyez comme vous êtes plus grand que vos prédécesseurs ; et n’était-ce pas pour que ce contraste fût encore plus parfait qu’il les noircissait ainsi ?

Suétone pour les mêmes fautes eut à peu près les mêmes raisons. Et les hauts faits des Alexandre, des Tamerlan, des Charles XII, ce siècle même plus rapproché, ce siècle auguste de Louis XIV, tout cela nous éblouit-il aujourd’hui comme alors ?… Quelle différence !

Mais un jour on dira la même chose de nous ?… Non, car ce que nous reprochons à ces historiens est d’avoir vu comme ils l’ont fait, seulement parce qu’ils