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ISABELLE DE BAVIÈRE

De cette différence bien certaine naît celle qui doit exister dans les motifs qui les font écrire l’un et l’autre ; car cette distinction admise nécessite, comme on le voit, autant de feu, autant d’énergie dans celui qui n’écrit que ce que lui dicte son imagination, que d’étude et de réflexion dans celui qui ne nous transmet que des événements connus ; mais il faut que d’abord lui-même les connaisse bien, ces événements qu’il veut peindre, il faut qu’il prenne tous les moyens de les approfondir, de les analyser, de les faire même découler les uns des autres, quand les plus fortes vraisemblances l’obligent à établir des liaisons, que ne lui fournissent qu’à moitié, ou souvent point du tout, ses recherches, même les plus étendues.

Mais voilà le roman, diront alors ceux que notre système ne persuade pas. Point du tout, car c’est aux vraisemblances que l’historien rattache le fil qu’il trouve rompu, et c’est à l’imagination que le romancier renoue le sien. Or, ce qui dicte les vraisemblances, n’est nullement le fruit de l’imagination ; le travail auquel l’écrivain se livre est alors le résultat, non de l’égarement de l’esprit, mais de sa justesse, et cette différence est énorme.

Ne craignons pas de répéter qu’il faut que les faits de l’histoire s’épurent dans la nuit des temps ; mis au jour à l’époque où ils se sont passés, ils ne seront jamais fidèles ; celui qui écrit l’histoire d’un siècle dans le siècle même où sont arrivés les événements qu’il raconte,