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ISABELLE DE BAVIÈRE


déjà plus digne que de ce titre, et le rang que nous occuperons alors dans l’Europe vaudra bien celui que nous y tenons aujourd’hui sous un prince incapable de régner. La Gaule s’honorait autrefois de dépendre de Rome, et la gloire qu’une nation ne peut acquérir seule ne perd rien de son lustre, quand elle est partagée avec la première puissance du monde. — Mais vos enfants, Madame, destinés à porter un jour la couronne de France ? — Les lys perdent-ils leur éclat pour être éclairés par le flambeau du jour ? Elle est illusoire cette couronne dont vous me parlez ; mes fils alliés aux princes de votre nation en porteront une plus réelle. Vous voyez donc que, dans ce que je vous propose, leur gloire me touche autant que la vôtre. Eh ! ne vaut-il pas mieux vaincre avec l’Angleterre que d’être soumis par elle ? Des titres et des honneurs leur appartiendront dans le premier cas ; ils n’ont que des fers à espérer dans le second. Et j’aime mieux être la mère d’un héros que celle d’un esclave. »

Et voilà comme raisonnait cette femme ambitieuse et vindicative, faisant bien voir en ce moment à quel point l’excès des passions nous aveugle même sur nos propres intérêts, puisque Isabelle s’avilissait en voulant s’élever et déshonorait par un faux orgueil la nation au-dessus de laquelle