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ISABELLE DE BAVIÈRE


et les mêmes armes dont les bouchers immolaient leurs taureaux s’enfonçaient à l’instant dans le sein de leurs proies au milieu des rues, dont les ruisseaux encombrés d’entrailles palpitantes et de sang encore tout fumant assimilaient tous les quartiers de la ville à des arènes d’abattoirs.

Isabelle, parcourant ces rues infectées, excitait elle-même les monstres qui les jonchaient de cadavres et promettait des récompenses à ceux qui par plus de rage, d’acharnement ou de recherches dans les supplices feraient preuve d’une plus grande férocité, et sa main qui encourageait le crime désignait en même temps les infortunés qui devaient lui servir d’aliment ; mais elle avait le soin perfide de ne présenter à la mort que ceux dont les dépouilles pourraient l’enrichir davantage : plus l’or qu’elle entassait chaque jour dans Melun se trouvait terni de sang humain et plus il lui plaisait. À ce genre de victimes se joignaient toujours celles dont elle craignait les délations : « Frappez, disait-elle, en montrant celles-ci ; ne voyez-vous pas que ces gens sont coupables ?… Sans doute ils le sont, ajoutait-elle bas, ils le sont puisqu’ils pourraient prouver que je le suis. »

Ô mânes du malheureux d’Orléans, vous vous élevâtes, dit-on, sur les flots de sang dont cette mégère essayait de couvrir le vôtre ; mais elle vous