blâme de ces déprédations, tenait quelques propos
capables de brouiller le duc de Bourgogne avec
la reine qui, de ce moment, décida sa perte. Or,
cette perte devenait utile à la fois au duc et à la
reine puisqu’elle débarrassait Isabelle d’un traître
et le duc d’un surveillant incommode. Le malheureux
Montagu froissé entre deux autorités qu’il
croyait opposées l’une à l’autre, et dont il s’imaginait
servir la plus puissante, périt donc victime
de toutes deux : exemple frappant pour l’homme
de cour qui, cédant au torrent de la fortune, est
tôt ou tard rejeté par les vagues dangereuses de
ce torrent sur des écueils qu’il méconnaissait, et
c’est ce qui prouve que le plus sage parti que
puisse prendre un honnête homme est de ne jamais
s’immiscer dans les querelles des grands.
Mais d’où venait d’ailleurs l’intérêt qu’avait pris autrefois Isabelle à Montagu ? Le crime en était encore la base. Ce ministre avait été le confident de tous les attentats commis par la reine et par d’Orléans sur la personne du roi : pouvait-il échapper à la mort ? Ne se souvient-on pas des pierres dont Mahomet combla le puits dans lequel il avait fait descendre son complice ? Une particularité singulière du procès de Montagu, c’est que, nageant dans l’abondance, pendant que le roi mourait de faim, il prêtait sur gages à ce malheureux prince.