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Paul arrive[1] et dispose tout pour son départ… Funeste effet du pressentiment ! voix intérieure de la nature, à laquelle l’homme ne devrait jamais résister !… Paul avoua à un de ses amis qui l’attendait et qu’il instruisit de son avanture, il avoua qu’il lui était impossible de se dissimuler à lui-même un mouvement impénétrable qui semblait lui conseiller de ne se point mêler de cette affaire… Mais la bienfaisance l’emporta ; rien ne tint aux charmes

    de décence, que sans doute elles éprouvèrent encore plus que moi. Mais il était facile de voir combien l’action généreuse qu’elles faisaient éloignait de leurs âmes ces idées qui auraient pu les troubler. Elles ne firent même aucune de ces réflexions qui font remarquer la délicatesse de la circonstance. Je n’ai pas besoin de dire que je ne me permis aucun de ces propos, aucune de ces plaisanteries qui pussent effaroucher la pudeur la plus sévère. J’avoue même que je n’éprouvai aucune de ces sensations, aucun de ces désirs si naturels qu’ils sont involontaires dans l’homme que la nature a fait véritablement homme. Je me fusse fait honte à moi-même si j’eusse été tenté d’abuser de cette touchante hospitalité. J’étais un frère avec des sœurs. » — (Mémoires publ. par Dauban ; Plon, 1866, p. 132).

  1. L’ancien texte porte « chez lui » et, en surcharge, « au château », qui fut effacé, puis remis et définitivement ôté.