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Je trouve dans un très intéressant livre de M. Henri Welschinger, sur le théâtre de la Révolution[1], des rapports de censeurs qui concluent à la suppression de tous les titres nobiliaires et de tous les termes féodaux dans les pièces qui leur sont soumises. En 1794, un auteur avait donné à son héros le nom de Louis. L’administration biffa ce nom pour la raison qu’on ne peut donner le nom de Louis à un homme, surtout à un homme vertueux. Aussi, tous les gens de lettres faisaient comme le citoyen Sade : ils effaçaient de leurs écrits jusqu’aux moindres vestiges de l’ancien régime. Les plus zélés ne s’en tenaient pas à leurs propres ouvrages. Il y eut un patriote qui mit du civisme dans le Cid de Corneille.

Cette guerre aux mots fait pitié ; mais, en réalité, elle était plus odieuse qu’inepte. En matière de gouvernement, le mot importe plus que la chose. Les politiques savent qu’on se fait très bien tuer pour un mot. Dans le Philoctète de Sophocle, Ulysse dit très justement : « Toute chose considérée

  1. M. H. Welschinger et MM. Charavay, ses éditeurs, ont bien voulu me communiquer les placards de ce livre qui s’imprime en ce moment.