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de mauvaises pièces de théâtre, lui fut remarquablement favorable. Il trouva un capitaliste pour lui imprimer ses livres en beaux caractères, sur beau papier, avec vignettes ; il trouva des libraires pour les vendre. On en imprima cinq exemplaires sur papier vélin pour les offrir aux Directeurs, qui remercièrent l’auteur. En outre, le marquis crut bien faire en présentant son ouvrage doré sur tranches au général Bonaparte. Le mari de Joséphine fut peu flatté de ce présent cynique. Devenu empereur et plus soucieux que jamais de l’ordre moral depuis que c’était son ordre, à lui, il fit saisir chez le marquis une édition clandestine, illustrée de cent figures, et fit enfermer l’auteur à Charenton. Le marquis de Sade y passa les quatorze années qui lui restaient à vivre. C’était un beau vieillard, blanc, dont la politesse était parfaite. Il disait doucement d’abominables ordures, traçait du bout de sa canne, sur le sable du préau, des figures obscènes, et écrivait dans sa cellule de sanglantes infamies. Il composait des comédies qu’il faisait jouer par les fous sur un théâtre élevé dans la prison. Et de belles dames venaient, dit-on, assister à ces représentations. Il