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l’été, ni bois l’hiver. Toujours attentive à son devoir, la marquise de Sade lui fit passer, dès qu’elle le put, des vêtements, des livres, du papier. C’est alors qu’il écrivit ces récits de l’érotisme le plus noir, pleins de flagellations, d’orgies de sang et de vin, de cadavres poignardés et violés, d’enfants mutilés, ces abominables romans ayant leur morale particulière, leur philosophie et leur doctrine propres, ces manuels compliqués de la débauche et de la cruauté, auprès desquels les petits livres polissons du XVIIIe siècle sont innocents[1].

  1. Pourtant l’esthétique que le marquis de Sade a exprimée dans son Idée sur les romans est assez soutenable et n’est nullement celle de ses œuvres.
     Dans cet opuscule, après avoir loué le naturel de Clarisse, il ajoute : « C’est donc la nature qu’il faut saisir quand on travaille ce genre (le roman), c’est le cœur de l’homme, le plus singulier de ses ouvrages, et nullement la vertu, parce que la vertu, quelque belle, quelque nécessaire qu’elle soit, n’est pourtant qu’un des modes de ce cœur étonnant, dont la profonde étude est si nécessaire aux romanciers, et que le roman, miroir fidèle de ce cœur, doit nécessairement en tracer tous les plis. » (p. xxv)
     Plus loin, Sade exige de l’auteur qui veut parvenir à la connaissance du cœur humain deux conditions, auxquelles il avait lui-même satisfait et qui résumaient pour ainsi dire sa vie, telle du moins qu’il se la représentait : malheurs et voyages. « Il faut, dit-il, avoir vu des hommes