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passa comme sous-lieutenant au régiment du Roi, puis il fut lieutenant dans les carabiniers, fit la guerre en Allemagne et gagna sur le champ de bataille le grade de capitaine de cavalerie. Il revint à Paris en 1766, et ceux qui le connurent alors se firent de lui l’idée d’un aimable libertin. Ses folies de jeunesse ne passaient pas ce qui était permis en ce temps-là à un jeune homme de famille. Toutefois, son père résolut d’y mettre fin en le mariant. Il s’entendit à ce sujet avec son ami M. de Montreuil, président à la Cour des aides, qui destina sa fille aînée au marquis. C’était une belle, honnête, pieuse et froide demoiselle. Sa sœur cadette, avec moins de rectitude dans l’esprit, avait plus de charme sur sa personne. Le marquis de Sade l’aima et déclara que c’était elle qu’il voulait épouser. Son père et M. de Montreuil, tous deux bien opiniâtres dans cette affaire, exigèrent, l’un qu’il se mariât, l’autre qu’il prît l’aînée. Après d’impérieuses sollicitations, le marquis céda. Un an après ce mariage forcé, la mort de son père le mit en possession d’une grande fortune et du titre de comte que portaient les aînés dans sa famille, mais qui, par une singularité