Vers le milieu de la nuit, et peu de temps après avoir fait
boire M. de Sade, n’entendant plus aucun bruit, et
surpris de ce calme, j’approchai de son lit et je pus
constater qu’il était mort.
Avant de prendre mon service, j’avais rencontré, sortant de chez M. de Sade qu’il visitait d’ailleurs depuis plusieurs jours, l’abbé Geoffroy, aumônier de la maison de Charenton, ecclésiastique éclairé qui avait été secrétaire de l’archevêque de Paris à la révolution de 1789. Cet excellent homme me parut, sinon édifié, mais au moins satisfait de sa visite, et il me dit que le moribond lui avait donné rendez-vous pour le lendemain matin.
C’était chose connue à la maison de Charenton que tous ceux qui y mouraient étaient soumis à l’autopsie, et comme premier élève interne j’étais chargé de cette opération. J’avoue que l’examen du crâne et du cerveau de de Sade me paraissait d’un grand intérêt. Mais voici ce qui se passa : M. de Sade fils, qui m’avait prié de garder son père, vint avec instance demander à M. le directeur une exception à la règle, c’est-à-dire que le corps de son père fut inhumé sans examen ni dissection.
Le cadavre de de Sade, qui est peut-être le seul que je n’aie point ouvert de fin 1814 à 1817 inclus, fut enterré dans le cimetière de la maison de Charenton, à l’extrémité orientale droite, presque au bord du Saut-de-Loup séparant le cimetière du bois de Vincennes ; la fosse fut recouverte d’une pierre sur laquelle aucun nom ne fut