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NOTES SUR M. DE SADE

M. de Sade était pour moi un des personnages curieux de l’époque de la dernière moitié du dix-huitième siècle ; curieux par ce que j’en avais entendu dire, car je n’avais pas encore lu ses livres, quoique je les connusse, fort imparfaitement il est vrai, par tradition. Mais certes, je dois le dire, rien ne pouvait me faire soupçonner en lui l’auteur de Justine et de Juliette ; il ne produisait en moi d’autre effet que celui d’un vieux gentilhomme altier et morose.

Le Ier décembre 1814, l’état de M. de Sade s’aggravant, on le transporta dans un autre appartement composé de deux pièces, où il fut confié à la garde d’un domestique.

Dans l’après-midi, un de ses fils vint le voir. C’était un homme d’un âge au moins mûr, ayant servi, pendant l’émigration, en Russie, soit dans l’armée de terre, soit (ce que je crois) dans la marine[1]. Ce monsieur me pria de veiller son père (ce à quoi mes fonctions de premier élève ne m’obligeaient en aucune manière). Je pris donc ce service à la fin du jour. Mes fonctions se bornèrent à lui faire prendre quelques gorgées de tisane et d’une potion qui avait été prescrite. La respiration, qui était bruyante et laborieuse, s’embarrassa de plus en plus.

  1. (Note de l’éd.)