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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


cions-le donc quand nous touchons à ce moment, et gardons-nous d’en reculer les bornes. Non, non, encore une fois, ce n’est point dans la vie qu’est le bonheur : il n’est pour nous que dans la tombe, parce que c’est là seulement que nous cessons de respirer le venin des serpents que nos pas pressent tous les jours. C’est donc, mes chères sœurs, cette ferme résolution de me soustraire aux fléaux de la vie qui me fait prendre aujourd’hui le parti que j’embrasse.

À ces mots, l’abbesse s’approche d’elle, et l’ayant revêtue des habits de l’ordre, elle lui couvre la tête de ce voile sacré qui, la réunissant à son Dieu, l’éloigne à jamais d’un monde dont la sainteté de son état la sépare.

Dès le même jour, sœur Adélaïde veut remplir tous les devoirs de la maison et se soumettre à toutes les règles qui rendent cette sainte congrégation la plus sévère de l’Europe chrétienne. Les plus douces vertus remplacent en elle cet orgueil, cette fierté qu’on lui connaissait depuis longtemps. Toujours la première à l’église, la plus ardente à la prière, la plus active aux travaux de la maison elle devint bientôt l’exemple de celles chez qui elle avait cru trouver des modèles.

Mais une telle contrainte sur son caractère, une telle austérité dans sa conduite, une telle