Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

Thuringe aussitôt à terre que celui qu’il vient de terrasser, cherche en vain à le secourir. Ses larmes se mêlent au sang de son ennemi ; il pleure sur des lauriers qu’il eût voulu ne moissonner jamais, et court néanmoins les porter aux genoux de celle qu’il adore. Mais ce n’est qu’avec peine qu’on trouve la princesse qui, soigneusement renfermée chez elle, n’ose connaître l’issue d’un combat qui, quelle qu’elle puisse être, ne peut lui coûter que bien des larmes.

— Princesse, lui dit enfin Thuringe dès qu’elle est contrainte à reparaître, jamais victoire ne fut aussi malheureuse pour moi ; je ne suis plus, à vos yeux, que le meurtrier de votre époux : de quel droit puis-je prétendre à votre main ?

— Monsieur, dit Adélaïde, combien je vous estime en vous voyant convaincu de l’idée que cette malheureuse victoire élève d’éternelles barrières entre vous et moi. Le testament de mon époux me remet provisoirement un sceptre qui n’appartient qu’à vous. Les Saxons accoutumés à marcher sous vos ordres aimeront voir dans vos mains ce sceptre que vous entourâtes si souvent de lauriers : acceptez-le, monsieur, il est digne de vous ; mais en remplissant tout ce qu’il vous impose, oubliez une femme infortunée qui ne peut plus partager ces soins glorieux avec vous,