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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


cessé d’adorer, est-il vrai que vous n’osez partager l’ardeur des sentiments dont je brûle pour vous ? Se peut-il que vous vouliez les anéantir ou les taire ?

— Pardonne, ô mon plus tendre ami ! dit Adélaïde, pardonne aux craintes qui me retiennent ; ton image ne m’en est pas moins chère ; mais tu connais aussi bien que moi tous les obstacles que forment entre nous les malheureux liens qui me fixent dans les bras d’un autre.

— On peut, interrompit le comte, trouver des moyens d’affaiblir ces nœuds ou de les rendre nuls.

— Je ne puis consentir à aucun de ces partis, dit Adélaïde ; mon devoir me le défend, et ce ne sera pas vous, Thuringe, vous qui savez si bien respecter les vôtres, non, ce ne sera pas vous qui m’engagerez à mépriser les miens. Ces lauriers glorieux dont vous venez de couvrir votre front pendant l’absence de Frédéric, vous ne les flétrirez point par des actions que désavouerait l’honneur.

— Pouvez-vous donc croire, s’écria Thuringe, que jamais l’honneur puisse désavouer ce qui doit me lier à vous ?

— Ô madame, dit Mersbourg, vous n’aimez pas mon ami comme il vous aime.

— N’est-ce donc pas l’aimer que de chérir sa gloire ?