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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


recommandé à l’abbesse de s’opposer à ce qu’Adélaïde le suivît, celle-ci fit tant d’instances que l’abbesse la laissa aller.

Une croix de cendres tracée au pied de l’autel reçut le corps de celle qui rendait l’âme. On l’y étendit après l’avoir couverte d’un drap mortuaire. Urbain, près d’elle, l’exhortait et ne lui parlait que du bonheur qu’elle allait goûter en quittant une vie aussi remplie de travers. Cette exhortation fut si tendre, si pleine d’onction et d’énergie, que la moribonde s’écria en se relevant : « Ô mon Dieu, daignez donc me rejoindre promptement à vous, puisque je ne dois trouver le bonheur que dans votre sein ! »… et elle expira.

— Vous le voyez, madame, dit Urbain, elle est morte heureuse. Il ne faut point faire voir au navigateur l’océan sur lequel il vient de courir des dangers ; c’est le port qu’il faut lui montrer. Qu’on cesse donc de blâmer les heureux cénobites dont j’aime à suivre l’exemple : l’éternité n’effraie que celui qui ne l’envisagea de sa vie.

La princesse, extrêmement émue de tout ce qu’elle voyait, était néanmoins trop jeune, trop emportée par la passion qui la dominait, pour en profiter comme elle l’aurait dû.

— Je mûrirai toutes vos grandes idées, mon