Si cette malheureuse vie n’est qu’un point dans
l’éternité, peut-on s’occuper d’autre chose que
de l’heureux instant qui la termine ? Celui qui
pense toujours à la mort ne meurt point ; il est
déjà loin de la vie ; déjà les ténèbres de la nuit
des temps l’environnent ; il n’a plus la douleur
de les entrouvrir pour s’y plonger. Celui-là seul
qui tient à la vie la regrette. Ah ! qu’il tourne les
yeux sur ce sentier de ronces que ses pas viennent
de fouler : pourra-t-il vouloir s’y engager de
nouveau pour y ressentir encore les douleurs dont
il voit le terme. Cette fin qu’il a la faiblesse de
craindre est l’aurore des jours paisibles qui
l’attendent, et qui ne doit plus éclairer que le
bonheur puisqu’elle dissipe le tourbillon de
l’infortune.
— Et ces jardins, mon Père ?
— Ils sont agrestes, vous le voyez, madame ; ils n’offrent aux yeux que l’utile. La terre est un prêt que Dieu nous a fait pour vivre ; n’en abusons pas pour le luxe. Tout parle ici, madame, tout y a le sentiment de la sagesse et de la religion : ce jardin est l’image de la vie, il est semé d’épines comme elle, et nous n’y trouvons ce qui la soutient qu’au milieu de ce qui la détruit.
En ce moment, on vint avertir Urbain qu’une religieuse expirait. Quoiqu’en y allant, il eût