dangereuses illusions où vous plonge la superstition
tonsurée, réfléchissez au puissant intérêt qu’elle a
de vous offrir un Dieu, au crédit puissant que de
tels mensonges lui donnent sur vos biens et sur vos
esprits, et vous verrez que de tels fripons ne
devaient annoncer qu’une chimère, et, réversiblement,
qu’un fantôme aussi dégradant ne pouvait
être précédé que par des brigands. Si votre
cœur a besoin d’un culte, qu’il l’offre aux palpables
objets de ses passions : quelque chose de
réel vous satisfera du moins dans cet hommage
naturel. Mais qu’éprouvez-vous après deux ou
trois heures de mysticité déifique ? Un froid néant,
un vide abominable qui, n’ayant rien fourni pour
vos sens, les laisse nécessairement dans le même état
que si vous eussiez adoré des rêves et des ombres !…
Et comment en effet nos sens matériels peuvent-ils
s’attacher à autre chose qu’à la même essence dont
ils sont formés ? Et vos adorateurs de Dieu, avec
leur frivole spiritualité que rien ne réalise, ne
ressemblent-ils pas tous à Don Quichotte prenant
des moulins pour des géants ? — Exécrable avorton,
je devrais ici t’abandonner à toi-même, te
livrer au mépris que tu inspires seul, et cesser de
te combattre de nouveau dans les rêveries de
Fénelon. Mais j’ai promis de remplir la tâche ; je
tiendrai parole, heureux si mes efforts parviennent
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CAHIERS PERSONNELS