Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


et cette objection que je me fais à moi-même, vous pourriez me la faire sans que j’y trouvasse aucune réponse. Dans la situation où je suis, je ne puis donc vous dire qu’une chose : je vous rends cette vie que vous m’avez sauvée, elle est à vous, reprenez-la ; mais si vous êtes assez généreux pour me la laisser, songez qu’il est impossible qu’elle soit liée à la vôtre. Puis élevant la voix : des serments indissolubles d’une part, d’une autre, des nœuds que je ne puis rompre, tout, vous le voyez, mon ami, tout établit à jamais d’insurmontables barrières entre nous.

— Ah ! madame, s’écrie Dourlach avec l’accent du désespoir, vous êtes mariée et vous avez un amant, je le vois !

— J’ai plus. J’ai dans ce moment-ci un ami, et c’est vous, Dourlach, c’est vous seul qui êtes cet ami à qui je voudrais tout sacrifier… mais je ne le puis ; les serments tiennent au bonheur de ma vie, les nœuds en font le tourment, mais le devoir les serre, je ne puis les briser. Exigez donc de moi, mon cher baron, tout ce que je puis vous accorder sans crime, et je vous en assure les droits.

— Rien, rien, madame, s’écria Dourlach en fondant en larmes, et je suis le plus malheureux des hommes !