ner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir
et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux
fables, en un mot, que publient de toi ceux qui
s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher
ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces
prêtres du paganisme nourris des victimes immolées
aux autels, n’exaltent leur idole que pour
multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du
faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces
temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les
citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église
a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques
qui versaient celui de vos compatriotes, vous
montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec
moins de danger. Telle était alors la seule façon
dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de
paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le
servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours
pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses
et des sophismes que vous défendez sa chimère.
Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais,
et que jamais les mots de Dieu et de religion ne
soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles,
n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront
que la morale qui l’établit n’a pas besoin de
fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer
et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur
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CAHIERS PERSONNELS