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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


songez que vous vous devez à votre peuple, à l’honneur, à la gloire, et que quand votre présence est aussi nécessaire sur le trône de Saxe, la postérité ne vous pardonnera pas la faiblesse de mourir pour une femme dont vous avez surtout autant de sujets de plaintes.

Mais l’amour ne se rend point à ce qu’il appelle les sophismes de la raison, et tout ce qu’on entreprend pour l’éteindre est souvent ce qui le rallume avec plus d’énergie.

Le désespoir du prince fut affreux, aucune expression ne pourrait le rendre.

— Juste Ciel ! je ne la reverrai donc plus, celle que j’aimais ! s’écriait-il en se rejetant comme un furieux hors du lit où on l’avait fait mettre en rentrant chez lui. C’est pour jamais que je la perds ! Les torts dont elle doit m’accuser sont irréparables… Ô Mersbourg, tu veux que je remonte sur un trône qu’elle ne partage plus ! Que peuvent être les grandeurs pour moi, quand je perds celle qui me les faisait chérir ? Ce n’était que sur son cœur que je voulais régner : je l’ai perdue, il faut que je la suive… Et ce peuple insolent qui me défie ! Eh bien, ce sera sur lui que je ferai tomber les sanglants effets de ma juste vengeance : il demande la guerre, je la lui ferai ; je veux que son pays soit réduit en