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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


l’ouvrage et l’image du ciel ; aucun sujet, sans crime, ne peut le renverser : s’il le fait, il outrage, dans le souverain qu’il attaque, et l’autorité qu’il doit respecter et la portion de la puissance céleste qui environne ce souverain. D’ailleurs, ce rebelle dangereux peut-il attaquer sans détruire ? Et les hommes qu’il immole au changement d’État, ne sont-ils donc pas aussi précieux que son ambition et ses caprices sont funestes ? Analysez bien le motif qui porte un homme quelconque à troubler le gouvernement sous lequel il vit : ce n’est jamais que pour lui qu’il travaille ; ce n’est pas le bien du peuple qu’il envisage, c’est le sien propre. Or, je vous demande à quel point est coupable un homme qui fait le malheur général des autres, seulement pour être utile à lui ou à ses amis ? Qui lui répond d’ailleurs que l’état des choses qu’il veut substituer à celui qui existe sera meilleur que celui qu’il anéantit ? Et combien aggrave-t-il ses torts, s’il se trompe !

— L’État républicain est vicieux, dit le neveu du doge.

— Et la race des chefs qui se succéderont, dit Adélaïde, ne peut-elle pas avoir également ses vices ?

— Ce sont ceux d’un seul homme, ils sont moins à craindre que ceux du peuple lorsqu’il veut s’élever au trône.