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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


les secrets entretiens paraissaient avoir un tout autre but que l’amusement.

— Antoine, dit-elle un jour au neveu du doge, si vous voulez que je croie à la sincérité de vos sentiments, il faut me donner toute votre confiance. Dites-moi d’abord quelles sont ces personnes graves et sévères qui troublent si souvent l’innocence de nos jeux… Que viennent-elles faire dans votre maison ?

— Certes, madame, répondit Antoine, vous me permettrez de vous dire qu’il est bien singulier que de telles affaires vous occupent plus que les sentiments que je vous exprime, et que vous mettiez, d’après cela, le bonheur que j’attends de vous au prix de la révélation d’un secret que j’ignore moi-même et que je ne pourrais vous dévoiler, à supposer que j’en fusse instruit.

— Ce secret alors me paraît d’une telle importance que je risquerais beaucoup, ce me semble, à continuer de voir des gens qui, en le laissant échapper, me compromettraient infailliblement avec eux. Puis avec ironie : Adélaïde trahissant Antoine ressemblerait peut-être à Fulvie dénonçant Catilina… Je dois éviter jusqu’au soupçon, sénateur, et je me retire.

Mais Antoine fortement épris, Antoine qui se vit presque découvert par la fine comparaison