ne vous ai-je pas dit que si ce voyage n’était pas
dangereux, il serait du moins inutile ? Qu’irez-vous
demander au souverain de cette ville ? Il n’est pas
plus instruit que vous. Il sait qu’on lui a enlevé une
femme dont il était très amoureux ; mais il ignore
quelle était cette femme, et certainement, il ne vous
avouera pas à quel point il pouvait en être avec elle.
— Soit, dit Frédéric ; mais la trace n’est pas aussi perdue que tu le penses : nous savons que Dourlach, arrêté par le brigand Krimpser, a nécessairement dû connaître la belle Saxonne ; nous y trouverons peut-être des éclaircissements.
— Prince, dit Mersbourg, il faut être aussi jaloux et aussi amoureux que vous l’êtes pour vous avilir au point où vous prétendez le faire. Je ne parle pas des dangers, ils sont énormes ; assurément, je consens à les braver tous avec vous, mais l’humiliation !… Pensez-vous à celle dont vous allez vous couvrir, en allant demander à un voleur ce qu’est devenue votre femme ? Vous qui purgez vos états de ces brigands, c’est à un homme de cette espèce que vous allez vous informer du sort de celle qui partage votre trône ? Ô mon prince, on a bien raison de dire que les passions ne rougissent plus. Seul chez cet homme, s’il vous inquiète ou s’il vous reçoit mal, que lui ferez-vous ?