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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Oui, monsieur, je vous le certifie.

— Qu’on ramène cette fille chez elle, dit le brigand, et qu’on vienne dans deux heures me demander des ordres sur son compte. Que sa maîtresse, en attendant, me parle tout de suite.

Les ordres s’exécutent ; Adélaïde est chez Krimpser.

— Madame, dit le brigand, veuillez vous asseoir et m’écouter avec quelque attention. La personne qui vous accompagne vient de m’assurer que vous êtes la princesse de Saxe.

— Je blâme son indiscrétion.

— Et moi, madame, je l’en remercie. L’animal le plus féroce que nous connaissions épargna, dans les arènes de Rome, celui auquel il devait la vie : je ne serai pas plus cruel que le lion et je n’enverrai point à la mort la fille du prince qui m’a conservé le jour. Jeune encore, je venais de commettre un crime dans Brunswick, mais votre auguste père, dans les gardes duquel j’avais l’honneur de servir, m’accorda ma grâce sur la promesse que je lui fis d’une meilleure conduite. Je ne lui ai pas tenu parole, vous le voyez, mais la reconnaissance qu’alluma sa bonté dans mon cœur ne s’y est jamais éteinte : je suis trop heureux de trouver l’occasion de la lui témoigner. Soyez libre, madame, et faites savoir un jour à monsieur