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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


ou à vous faire défendre l’entrée de ma maison. Contentez-vous de savoir, puisque vous m’obligez à vous le dire, que si vous êtes malheureux, ne pouvant posséder la personne que vous aimez, je le suis également de ne pouvoir aimer celle que je possède, ni posséder celle que j’aime. Que cette ressemblance, loin de nous rapprocher, établisse entre nous une éternelle séparation. Ne cherchons point, l’un et l’autre, à troubler par des malheurs le peu d’agrément que nous pouvons trouver dans les plaisirs de cette ville.

Et comme à la fin de cette phrase le margrave, qu’elle n’avait pas cessé d’éconduire, était déjà dans l’antichambre, Adélaïde rentra chez elle, ferma les portes, et donna l’ordre de ne plus laisser entrer M. de Bade.

Un caractère entier et fougueux comme celui de ce prince n’était pas fait pour pardonner une telle réception à une femme dont il était loin de soupçonner le rang. Il se promit de s’en venger. Elle ne sait pas qui elle offense, se disait-il en fureur ; elle ne connaît pas l’âme qu’elle outrage ; je le lui apprendrai à ses dépens. Je suis bien bon de m’en tenir à la séduction avec une femme aussi impérieuse : et qu’est-elle pour me résister ? Avec de tels êtres on ne doit employer que la force. Et le margrave prépare tout pour se procurer l’objet