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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

À l’égard du prince, après avoir passé quelque temps à Hambourg, il résolut de visiter la Hollande, toujours accompagné du comte. Là, se mêlant à toutes les classes, il apprit à connaître les hommes et à les apprécier, étude bien difficile sur le trône, où celui qui l’occupe ne démêle jamais autour de lui que la bassesse qui flatte ou que l’orgueil qui envie.

Un jour qu’il se trouvait à dîner à Amsterdam avec un des plus célèbres commerçants de l’Europe et dont il n’était pas connu, la conversation s’engagea :

— Monsieur, lui dit celui-ci, convenez que mes occupations et mes correspondances sont plus importantes et plus étendues que celles d’un souverain ; et, cette vérité établie, je suis donc sur la terre infiniment plus utile qu’un roi.

— Monsieur, répondit Frédéric, je suis loin d’être de votre avis. Vous ne travaillez que pour vous-mêmes ; vos veilles n’ont pour objet que votre unique fortune. Celles du monarque ont pour but le bien de ses sujets : nul égoïsme en lui, pendant que vous n’êtes mû que par ce motif. L’image d’un bon prince, en un mot, est celle d’un Dieu sur la terre, et vous n’offrez que celle d’une sordide cupidité.

— Et dans quelle classe ne se trouve-t-il pas