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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Je le crois ; mais on craint tout dans l’affreuse position où je suis. Quoi qu’il en soit, poursuivit Adélaïde, tout ceci me sépare peut-être pour jamais du seul être que j’adore au monde. Je t’ai confié mes sentiments pour le marquis de Thuringe : tout ce que je découvre d’excellentes qualités dans toi me garantit ta discrétion. Tu le vois, chère Bathilde, je ne dois pas prétendre à revoir de longtemps le marquis.

— Mais, madame, s’il était possible de lui faire savoir où nous sommes, il accourrait sans doute.

— Je crains tant les imprudences ! La fierté de mon caractère ne me les permet pas ; je serais trop humiliée si mes torts venaient à se découvrir.

— Ah ! madame, les mariages que la politique exige ne peuvent pas enchaîner les cœurs comme ceux que l’amour a formés.

— Tu as raison, Bathilde, je ne dois point rougir de mes sentiments ; ils sont purs comme celui qui les a fait naître. J’ai connu M. de Thuringe, je l’ai aimé avant que je fusse l’épouse de Frédéric ; mais les hommes dans leurs jugements ne considèrent pas jusqu’où s’étend le pouvoir des passions sur nous, et leur injuste mépris couvre ceux qui ne mériteraient que leur indulgence.

Un homme à cheval qui se fit entendre dans