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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


choisi par Frédéric pour aller lui chercher une épouse si digne de faire mon bonheur ?

— Ne me parlez pas de ces regrets, ils absorbent mon âme.

— Dieu ! qu’entends-je ? Tous mes tourments s’oublient sitôt que vous les partagez… Pourtant, nous voilà contraints à vivre éternellement séparés l’un de l’autre ! Nulle consolation réelle n’apaisera les maux que nous nous serons faits mutuellement ; et tous les deux bien jeunes encore, il nous faudra pleurer jusqu’à la mort le malheur de nous être connus !… Eh quoi ! vous ne voyez, madame, aucun moyen d’adoucir notre sort ?

— Aucun, hélas ! ne s’offre à mon esprit !

— Et pourquoi ne pas se soustraire à des fers si pesants ?

— De tels moyens conviennent-ils à des gens comme nous ? Puis-je déshonorer le trône où ma naissance me place ?

— Pourquoi l’occupez-vous sans moi ?

— Pourquoi vîntes-vous me chercher pour m’y asseoir ?

— Ô souvenirs funestes ! Ne me les rappelez donc plus, ils déchirent mon cœur.

— Ô mon ami, que je reçoive de vous l’exemple du courage ! Ne suis-je pas plus infortunée que vous ? aucun objet ne vous engage à perdre mon