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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


impossible de ne pas reconnaître en lui l’esclave du même dieu qui captive votre âme.

— Me voilà donc bien malheureuse, s’écria la princesse, je verrai brûler près de moi celui que je ne pourrai secourir, et le plus austère des devoirs m’empêchera de partager des tourments que ma seule présence causera.

— Jusqu’à ce moment, madame, Thuringe ignore donc le bonheur qu’il a de vous plaire ?

— Je n’en ai confié l’aveu qu’à mes regards ; qu’il y fixe les siens, il y verra l’ardeur dont je brûle pour lui.

— Si madame voulait me le permettre, je consolerais cette âme incertaine.

— Ah ! gardez-vous-en, Mersbourg, vous redoubleriez son malheur. Puis-je le consoler ? Et les liens qui me captivent échappent-ils donc à vos yeux ?… Essayez au contraire d’anéantir en lui cet amour qui ne ferait que son malheur ; peut-être parviendrais-je à vaincre le mien. Il faut savoir être malheureux quand on veut respecter ses devoirs : je sens bien qu’ils ne me rendront pas ce que je perds ; et quand on saura ce que je leur sacrifie, on pleurera peut-être sur mon sort.

Les chars réunis au rendez-vous interrompirent cette conversation dans laquelle le comte crut apercevoir l’aurore du bonheur que ses intrigues