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curieux de connaître le temps qu’il avait à vivre. Ignorant que ma compagne eut renoncé à ses projets de sagesse, il l’assura qu’elle pouvait aller sans courir aucun risque, chez l’homme qu’il lui indiquait. C’est un vieux dévot plein de superstitions, lui dit-il, et qui croirait que l’enfer va le saisir tout vivant, s’il s’avisait de penser à ce qui l’échauffait autrefois ; tels sont les funestes effets de la dévotion, continua notre chef, elle remplit l’homme de trouble et de frayeur, à mesure qu’il avance son terme, elle aigrit son caractère, elle change son humeur, elle le rend sombre, inquiet, soucieux, tracassier, rigoriste, cruel, elle l’empêche de jouir du présent, elle lui donne des remords du passé, et n’est bonne à rien pour l’avenir ; je me serais peut-être fait dévot comme un autre, si j’eusse cru que cela pu être bon à quelque chose, mais on n’y prend pas une qualité de plus, et on a beaucoup de plaisirs de moins… Est-ce bien la peine de croire