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rendre ; l’autre, qui nage dans l’or, veut qu’on lui paye d’avance, un malheureux souper qu’il craint de perdre… Tiens dit Clémentine, en jettant la demie portugaise au nez du valet, paye-toi de ton souper faquin, mais sers le bon et tout de suite… Puis aussitôt qu’il fût sur la table, en est-ce celà pour notre argent, dit ma compagne. — Non madame, il vous reste deux cruzades, les voici[1]. — Apporte-nous du vin de Sétuval pour cette somme. Je veux boire à la santé des frippons qui nous volent, il n’y a que les malheureux auxquels il soit permis de se réjouir sans offenser personne. On apporta le vin, et Clémentine ayant ordonné qu’on se retira, et qu’excepté pour nos malles, on ne s’avisa pas de nous interrompre… Soupons me dit-elle à présent, dès que nous fûmes renfermées, nous ne sommes pas encore sans ressources, tu le vois, il sera temps de nous désoler quand nos malheurs seront plus certains.

  1. La cruzade vaut à-peu-près 3 liv.