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de sa vanité sans doute, de préférer à se supposer criminel, qu’à convenir de sa faiblaisse ; imbécile qu’il est, il aime mieux passer sa vie à trembler de délits impossibles, que de s’affermir et se tranquilliser par la certitude d’une impuissance, dont son orgueil serait humilié.

Ô ! Léonore, prions ou blasphêmons, adorons ou profanons, tout est égal aux yeux de l’être assez puissant pour avoir fait bien ou mal tout ce qui frappe nos yeux ; un dieu qu’attendriraient nos cultes, ou qu’offenseraient nos erreurs, ne serait qu’un homme comme nous, et comment doué de toutes nos passions, aurait-il l’énergie créatrice, qui ne peut être que le plus sublime assemblage de toutes les vertus ? si le blasphême, si cette faible injure, en un mot, que nous adressons à la divinité, ou par colère, ou par ennui de souffrir, ou par quel autre motif que ce puisse être, satisfait un instant notre ame ; livrons nous y sans nulle crainte, bien certain qu’il ne s’en irritera point, qu’il est trop grand pour s’en venger, et qu’il nous aurait privés de la