Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vant à chaque mesure, d’enlever adroitement, d’un fer dont ils étaient armés, un morceau de chair du corps de ce misérable, qu’ils firent mourir, en le déchiquetant ainsi en détail[1]. Ce morceau de chair s’avalait crud, aussitôt qu’il était coupé ; mais avant de le porter à la bouche, il fallait se barbouiller le visage avec le sang qui en découlait. C’était une preuve de triomphe. Je dois l’avouer, l’épouvante et l’horreur me saisirent tellement ici, que peu s’en fallut que mes forces ne m’abandonnassent ; mais ma conservation dépen-

  1. On recule d’effroi à ce récit ; il est affreux, sans doute ; mais si c’est un crime que d’être vaincu, chez ces barbares, pourquoi ne leur est-il pas permis de punir alors les criminels par ce supplice, comme nous punissons les nôtres, par des supplices à-peu-près semblables. Or, si la même horreur se trouve chez deux nations, l’une, parce qu’elle y procède avec un peu plus de cérémonie, n’a pourtant pas le droit d’invectiver l’autre ; il n’y a plus que le philosophe qui admet peu de crimes et qui ne tue point, qui soit fondé à les invectiver toutes deux.