Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soin de secours, mon premier mouvement fut d’aborder ceux que je voyais ; le second, ramenant à mon esprit l’affreuse idée que j’étais dans des terres peuplées de mangeurs d’hommes, me fit grimper promptement sur un arbre, et attendre là, ce qu’il plairait au sort de m’envoyer.

Grand Dieu ! comment vous peindre ce qui se passa !… Je puis dire avec raison, que je n’ai vu de ma vie, un spectacle plus effrayant.

Les Jagas que je venais d’apercevoir, revenaient triomphans d’un combat qui s’était passé entr’eux et les sauvages du royaume de Butua, avec lesquels ils confinent. Le détachement s’arrêta sous l’arbre même sur lequel je venais de choisir ma retraite ; ils étaient environ deux cents, et avaient avec eux une vingtaine de prisoniers, qu’ils conduisaient enchaînés avec des liens d’écorce d’arbres.

Arrivé là, le chef examina ses malheureux captifs, il en fit avancer six, qu’il assoma lui-même de sa massue, se plai-