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ment terrible, je ne songeai guères plus à invoquer celui-là, qu’un autre ; ce fut pourtant à lui que je dus ma conservation : je dois le croire au moins, puisqu’il m’a fait sortir vainqueur de tant de périls, pour me rendre enfin à celle que j’adore.

Insensiblement le tems se calma ; un vent frais fit glisser ma planche sur une mer tranquille, avec tant d’aisance et de facilité, que je revis la côte d’Afrique, le soir même ; mais je descendais considérablement, quand je pris terre ; le second jour, je me trouvai entre Benguele, et le royaume des Jagas, sur les côtes de ce dernier empire, aux environs du Cap-Nègre ; et ma planche, tout-à-fait jettée sur le rivage, aborda sur les terres mêmes de ces peuples indomptés et cruels, dont j’ignorais entierement les mœurs. Excédé de fatigue et de besoin, mon premier empressement, dès que je fus à terre, fut de cueillir quelques racines et quelques fruits sauvages, dont je fis un excellent repas ; mon second soin fut de prendre quelques heures de sommeil.