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de rudesse sur un de ces rochers, qu’elle se fend, s’abîme, et s’écroule en débris dans les flots.

Dans ce désordre épouvantable ; dans ce tumulte affreux des cris des ondes bouillonnantes, des sifflements de l’air, de l’éclat bruyant de toutes les différentes parties de ce malheureux navire, sous la faulx de la mort enfin, élevée pour frapper ma tête, je saisis une planche, et m’y cramponant, m’y confiant au gré des flots, je suis assez heureux, pour y trouver un abri, contre les dangers qui m’environnent. Nul de mes gens n’ayant été si fortuné que moi, je les vis tous périr sous mes yeux. Hélas ! dans ma cruelle situation, menacé comme je l’étais, de tous les fléaux qui peuvent assaillir l’homme, le ciel m’est témoin que je ne lui adressai pas un seul vœu pour moi. Est-ce courage, est-ce défaut de confiance ; je ne sais, mais je ne m’occupai que des malheureux qui périssaient, pour me servir ; je ne pensai qu’à eux, qu’à ma chère Léonore, qu’à