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en état de recevoir un conseil sage, je vous donnerais celui de retourner en France, de faire votre paix avec vos parens, et de leur apprendre le malheur épouvantable qui vous est arrivé. — Et le puis-je, Monsieur, lui dis-je ; puis-je exister où ne sera pas ma Léonore ? Il faut que je la retrouve, ou que je meure. — Eh bien ! me dit le Comte, je vais faire pour vous tout ce que je pourrai… peut-être plus que ne devrait me le permettre ma place… Avez-vous un portrait de Léonore ? — En voici un assez ressemblant, autant au moins qu’il est possible à l’art d’atteindre à ce que la nature a de plus parfait. — Donnez-le-moi : demain matin à cette même heure, je vous dirai si votre femme est dans le serrail. Le Sultan m’honore de ses bontés : je lui peindrai le désespoir d’un homme de ma nation ; il me dira s’il possède ou non cette femme ; mais réfléchissez-y bien, peut-être allez-vous accroître votre malheur : s’il l’a, je ne vous réponds pas qu’il me la rende… Juste ciel ! elle serait dans ces murs, et je ne pourrais