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me frapper qu’à tes pieds… Travaillons…

Afin que mes geoliers ne se doutassent de rien, j’affectai devant eux la plus profonde douleur ; je portai la ruse au point de refuser même les alimens qui m’étaient présentés, et les contraignant ainsi à un peu de pitié, j’éloignai tout soupçon de leur esprit. Cependant leurs consolations furent médiocres : l’art de répandre du baume sur les plaies d’une ame désolée, n’est jamais connu d’êtres assez vils, pour accepter l’emploi déshonorant de fermer des portes de prison. Quoi qu’il en soit, je les trompai, et c’était tout ce que je desirais ; leur aveuglement m’était plus utile que leurs larmes, et j’avais bien plus envie de fasciner leurs yeux, que d’attendrir leurs cœurs.

Mon ouvrage se perfectionnait ; déjà ma tête passait entièrement par les ouvertures que j’avais pratiquées ; j’avais soin de remettre les choses en ordre le soir, pour qu’on ne s’aperçût de rien ; tout répondait enfin au gré de mes desirs, lorsqu’un jour,