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à chaque instant que de ces fatales idées, lorsqu’au bout d’une semaine de mon séjour dans cet horrible lieu, l’alcaïde parut escorté de ses deux mêmes gardes, et m’ayant ordonné de découvrir ma tête, il me conduisit ainsi à la salle d’audience. On me fit signe de m’asseoir ; un siége étroit et dur se présentait à moi au bout d’une table, auprès de laquelle étaient deux moines, dont l’un devait m’interroger, et l’autre écrire mes réponses ; je me plaçai. En face était l’image de ce Dieu bon, de ce rédempteur de l’univers, exposé dans un lieu où l’on ne travaille qu’à perdre ceux qu’il est venu racheter. J’avais sous mes yeux un juge équitable, et des hommes méchans ; le symbole de la douceur et de la vertu à côté de celui des crimes et de la férocité ; j’étais devant un Dieu de paix et des hommes de sang, et c’était au nom du premier, que les seconds osaient me sacrifier à leur infâme cupidité.

On m’interrogea d’abord sur mon nom, sur ma Patrie et sur ma profession ; ayant