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mouvement dont elle ne parut pas être maîtresse, Léonore me fixa. Eh bien ! me dit-elle, te voilà déjà mari ; tu brûles de goûter des plaisirs sans ta femme… Où vas-tu, mon ami ; quel tableau peut donc valoir l’original que tu possedes ? — Aucun assurément, lui dis-je, et tu en es bien convaincue ; mais je sais que ces objets t’amusent peu ; c’est l’affaire d’une heure ; et ces présens superbes de la nature, ajoutai-je, en lui montrant les figues, sont bien préférables aux subtilités de l’art, que je désire aller admirer un instant… Vas, mon ami, me dit cette charmante fille, je saurai être une heure sans toi, et se rapprochant de son arbre : vas, cours à tes plaisirs, je vais goûter les miens… Je l’embrasse, je la trouve en larmes… Je veux rester, elle m’en empêche ; elle dit que c’est un léger moment de faiblesse, qu’il lui est impossible de vaincre. Elle exige que j’aille où la curiosité m’appelle, m’accompagne au bord de la gondole, m’y voit monter, reste au rivage, pendant que je m’éloigne, pleure