Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos actions sont une suite nécessaire de la première impulsion, si toutes dépendent de la construction de nos organes, du cours des liqueurs, du plus ou moins de ressort des esprits animaux, de l’air que nous respirons, des alimens qui nous sustentent ; si toutes sont tellement liées au physique, que nous n’ayons pas même la possibilité du choix, la loi même la plus douce ne deviendra-t-elle pas tyrannique ? Et le législateur, s’il est juste, devra-t-il faire autre chose que redresser l’infracteur ou l’éloigner de la société ? Quelle justice y aurait-il à le punir, dès que ce malheureux a été entraîné malgré lui ? N’est-il pas barbare, n’est-il pas atroce de punir un homme d’un mal qu’il ne pouvait absolument éviter ?

Supposons un œuf placé sur un billard, et deux billes lancées par un aveugle : l’une dans sa course évite l’œuf, l’autre le casse ; est-ce la faute de l’aveugle qui a lancé la bille destructive