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avons fait passer cette Nation de l’état le plus agreste à celui de la civilisation ; mais à une civilisation douce, qui rend plus heureux l’homme naturel qui la reçoit, éloignée des barbares excès où vous avez porté la vôtre, excès dangereux qui ne servent qu’à faire maudire votre domination, qu’à faire haïr, qu’à faire détester vos liens, et qu’à faire regretter à celui que vous y soumettez l’heureuse indépendance dont vous l’avez cruellement arraché. L’état naturel de l’homme est la vie sauvage ; né comme l’ours et le tigre dans le sein des bois, ce ne fut qu’en rafinant ses besoins qu’il crut utile de se réunir pour trouver plus de moyens à les satisfaire. En la prenant de-là pour le civiliser, songez à son état primitif, à cet état de liberté pour lequel l’a formé la nature, et n’ajoutez que ce qui peut perfectionner cet état heureux dans lequel il se trouvait alors, donnez-lui des facilités, mais ne lui forgez point de chaînes ; rendez l’accomplissement de ses désirs plus aisés, mais ne les asservissez