Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierres. Nous mimes dedans les débris de la sainte, et j’allai promptement jetter le tout dans un puits. Léonore, peu vêtue, s’affubla aussitôt des parures de Sainte-Ultrogote ; je l’arrangeai dans la situation penchée, où le sculpteur l’avait mise, pour la travailler. Je lui emmaillotai les bras, je mis à côté d’elle, ceux de bois, que nous avions cassé la veille, et après lui avoir donné un baiser… Baiser délicieux, dont l’effet fut sur moi bien plus puissant que les miracles de toutes les Saintes du Ciel ; je fermai le temple où reposait ma déesse, et me retirai tout rempli de son culte.

Le lendemain, de grand matin, le sculpteur entra, suivi d’un de ses élèves, tous deux munis d’un drap. Ils le jetterent sur Léonore, avec tant de promptitude et d’adresse, qu’une nonne qui les éclairait ne put rien découvrir ; l’artiste aidé de son garçon, emporta la prétendue Sainte ; ils sortirent, et Léonore reçue par la femme qui l’attendait, se trouva à l’auberge indiquée, sans avoir éprouvé d’obstacle à son évasion.