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vous saurez que je ne suis rien de tout cela, et que je n’ai adopté dans ma vie qu’un principe, travailler à réunir autour de soi la plus grande somme de bonheur possible, en commençant par faire celui des autres. Je sens bien que je vous devrais encore des excuses sur la manière bourgeoise dont je vous reçois. Un Souverain manger avec sa femme et ses enfans, ne pas soudoyer quatre mille coquins, afin d’avoir une table pour Monsieur, une table pour Madame… C’est d’une petitesse ! d’un mauvais ton ! N’est-ce pas ainsi que l’on dirait en France ? Vous voyez que j’en sais le langage. Ô mon ami ! qu’il est onéreux selon moi, qu’il est cruel pour une ame sensible ce luxe intolérable, qui n’est le fruit que du sang des peuples : croyez-vous que je dînerais, si j’imaginais que ces plats d’or dans lesquels je serais servi, fussent aux dépens de la félicité de mes sujets, et que les débiles enfans de ceux qui soutiendraient ce luxe n’auraient, pour conserver leurs tristes jours, que quelques morceaux de pain brun