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Peut-on croire, d’ailleurs, qu’il soit bon d’engloûtir dans ses entrailles la chair et le sang putréfiés de mille animaux divers ; il ne peut résulter de là qu’un chile âcre, qui déterriore nécessairement nos organes, qui les affaiblit, qui précipite les infirmités et hâte la mort… Mais les comestibles que je vous offre n’ont aucuns de ces inconvéniens : les fumées que leur digestion renvoie au cerveau sont légères, et les fibres n’en sont jamais ébranlées. Vous boirez de l’eau, mon convive, regardez sa limpidité, savourez sa fraîcheur ; vous n’imaginez pas les soins que j’emploie pour l’avoir bonne. Quelle liqueur peut valoir celle-là ? En peut-il être de plus saine ?… Ne me demandez point à présent pourquoi je suis frais malgré mon âge ; je n’ai jamais abusé de mes forces ; quoique j’aie beaucoup voyagé, j’ai toujours fui l’intempérance, et je n’ai jamais goûté de viande… Vous allez me prendre pour un disciple de Crotone[1] ; vous serez bien surpris, quand

  1. Ville d’Italie où enseignait Pittagore.