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pilote y dirigeait le Cap, lorsqu’un coup de vent d’Occident s’éleva avec une affreuse impétuosité, et nous éloigna tout-à-coup de ces îles. La tempête devint effroyable, elle était accompagnée d’une grêle si grosse, que les grains blessèrent plusieurs matelots. Nous carguames à l’instant nos voiles, nous abbattîmes nos vergues de perroquet, et bientôt nous fûmes obligés de changer nos manœuvres, et d’aller à mât et à cordes, jusqu’à ce que nous eussions été portés contre terre, ce qui devait nous perdre ou nous sauver ; enfin cette terre, aussi désirée que crainte, se fit voir à nous, vers la pointe du jour, le lendemain. Si le vent, qui nous y jettait avec violence, ne se fût appaisé avec l’aurore, nous y brisions infailliblement. Il se calma, nous pûmes gouverner ; mais notre vaisseau ayant vraisemblablement touché pendant l’orage, et faisant près de trois voies d’eau à l’heure, nous fumes contraints de nous diriger, à tout évènement, vers l’île que nous apercevions, à dessein de nous y radouber.